En premier lieu, c’est une image,  l’image d’un tableau inspiré de Caspar David Friedrich ou de Johann Heinrich Füssli, un tableau représentant un Werther archétypal dans l’obscurité d’une chambre de son grand manoir chargé des richesses encombrantes d’une lignée dépassée. Un sentimentalisme, une décadence propres aux périodes de transition et d’intenses effervescences : c’est ce que nous évoque spontanément l’expression Sturm und Drang (tempête et passion) et mouvement culturel et politique essentiellement allemand de la seconde moitié du 18ème siècle. Ses représentants musicaux ne sont pourtant pas ceux que l’on imagine. Mozart, Haydn, C.P.E Bach ou J.C.F Bach s’en sont inspirés, se sont laissés influencer par son idéologie, son esthétique et ses premiers élans révolutionnaires. 

L’idée de créer un récital autour de ce répertoire de sonates et de lieder au clavecin et à la voix de contre-ténor s’est construite sur cette image historiquement légitime dans sa désuétude, et musicologiquement non-conventionnelle. Qui imagine Beethoven, romantique parmi les romantiques et maître du piano, faisant ses premières gammes sur un clavecin et travaillant sur les oeuvres de C.P.E Bach? Connait on l’admiration que portait Mozart pour le grand castrat, égérie des compositeurs baroques, Farinelli (mort seulement 10 ans avant le compositeur). C’est cette période passionnante, qui dépasse le simple passage net d’un style artistique à un autre, avec ses origines et ses questionnements, que nous souhaitons présenter dans ce programme, en prenant, de fait, notre liberté sur les chemins balisés de l’interprétation classique et créer ainsi notre propre tableau sur la beauté et l’universalisme de cet héritage européen.